09/06/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Une nouvelle image des échecs chinois

02/11/1987

Un jeu ancien avec de nouvelles pièces

Un jeu populaire en Chine qui a une longue histoire de plusieurs siècles vient de faire peau neuve. Les échecs chinois, ou mieux siang-k'i [象棋] (prononciation moderne, chyang-tchyi), n'ont jamais jusqu'à présent beaucoup attiré l'atten­tion des Occidentaux, hormis celles de collectionneurs enthousiastes. Toutefois ces derniers en conservent les pièces sans oser ou savoir y jouer. Est-ce un manque d'intérêt général? Certes non, on peut supposer à bon escient que toutes les pièces du jeu chinois bien sou­vent réduites à de simples jetons et diffé­renciées par des caractères chinois im­primés ou gravés dessus ont plutôt rebuté un grand nombre de joueurs ou de ceux qui en avaient l'intention. La né­cessité de reconnaître les quatorze caractères différents de ces pièces avant de commencer une partie décourage vite les plus enthousiastes. Cependant la si­tuation s'est brusquement changée.

Il y a trois ans, un couple formant une équipe de siang-k'i reconnut que ce jeu était en déclin de popularité chez les jeunes de Taïwan. M. Kao Hsin-chiang [高信疆] (pron. Kao Chyinn-tchyang), président de Shangchin Cultural Entre­prises, expliqua que, pour les jeunes, le siang-k'i avait perdu toutes ses significa­tions traditionnelles pouvant desservir la vie quotidienne. En effet, le jeu s'est car­rément installé dans les coins sombres des maisons de thé ou des endroits plai­sibles devant les temples pour quelques vieilles gens cherchant à tuer le temps ou à gagner quelque mitraille. M. Kao Hsin-chiang et son épouse, Mme Ko Yuan-hsing [柯元馨] (pron. Ke Yuann­-chying), décidèrent donc de se consacrer à remettre le siang-k'i au goût du jour.

« Le déclin du jeu des échecs est l'aver­tissement d'un problème beaucoup plus vaste, explique M. Kao Hsin-chiang. Il dénote la perte graduelle des aspects tan­gibles et intangibles de notre tradition. Même si certains en trouve le prix normal quand on progresse vers l'industrialisation et la modernisation, je ne partage pas cette opinion. Quelqu'un doit se battre pour le passé. »

Un général aux formes stylisées

M. Kao Hsin-chiang et son épouse trouvèrent une solution originale et in­novatrice au problème. Elle devait porter ses fruits en avril 1987. Ils ont par­rainé une exposition d'objets à la galerie Fou-Houa (Howard) à Taïpei où des pièces de formes et de styles nouveaux s'étalaient pour remplacer les pièces sé­culaires. Au lieu de simples jetons - généralement en bois, en ivoire ou en plastique -, les époux Kao firent appel à des artistes, des dessinateurs et des arti­sans pour donner aux échecs une vitalité nouvelle par la création de pièces les re­présentant réellement par une forme concrète. Le résultat fut stupéfiant et reçut un accueil extraordinairement fa­vorable du public. Grâce à une publicité bienveillante des médias, une foule im­mense se rua vers l'exposition taïpéienne qui maintenant fait le tour de l'île.

 « Notre but est de donner un élan nou­veau au siang-k'i et, par ce moyen, d'ac­croître l'enthousiasme du public pour lui, dit M. Kao Hsin-chiang. Jadis, les pièces étaient simplement taillées, ce qui correspond à l'état pauvre d'une société primi­tive ». Quoiqu'il en soit, ces pièces d'une forme simple furent pendant des siècles assez stéréotypées sans l'apport d'aucune modification. Il s'en suivit que le jeu se réserva aux seuls initiés qui pouvaient comprendre les caractères chinois.

Elégance et simplicité de la série en cristal, de Han Pao-teh.

La première réponse à l'appel pour la confection de nouvelles pièces vint de quelques artistes et architectes très connus de Taïwan, ainsi que de nou­veaux noms et d'artisans de la campagne dont les interprétations vivantes du fol­klore sont souvent en relation avec la théorie et la pratique de la guerre de l'échiquier. Elle a ravi les visiteurs de l'exposition. Bien que le premier but de cette exposition fut d'encourager plus l'intérêt local pour le jeu, les époux Kao se sont vite rendus compte que leur idée pouvait se propager à l'échelle interna­tionale. « Nous voulions d'abord encourager l'intérêt du public au siang-k'i en offrant un grand choix de formes qui donnent une interprétation moderne au sens traditionnel du jeu, dit M. Kao. Puis, nous avons pensé que, en plus de l'art aux échecs avec des pièces artistiques, ces mêmes pièces pou­vaient servir d'objets de décoration. Alors, le siang-k'i percera les barrières culturelles et acquerra une audience internationale. » Mais il est clair que l'appel à l'esthétique des pièces n'est qu'un pas pour un des­sein plus complet: le remplacement des caractères chinois par les formes à l'image des échecs occidentaux, ce qui facilitera grandement la connaissance du siang-k'i par les étrangers.

Le siang-k'i qui peut se traduire litté­ralement «échecs de l'éléphant» a ses premières racines sous la dynastie de Tang (618-907) et, selon certains éru­dits, il partage une affinité merveilleuse avec le jeu ancien indien d'une guerre sur plateau, nommé tchatour-angga (ou les quatre troupes). Le nom du jeu indien fait littéralement allusion aux troupes de l'armée avec les éléphantiers, les cavaliers, les charriers et les fantas­sins. Quelle que soit l'origine vraie et l'évolution du siang-k'i, au temps de la dynastie de Song (960-1279), le jeu avait acquis une forme distincte et un règle­ment typiquement chinois et s'était vite mêlé à la littérature, l'histoire et la poésie. Ses origines ont été transposées par la philosophie du yin et de yang, la théorie éthique et le symbole de la guerre classique. Cette accumulation de principes universels chinois par ce jeu donna à la traduction les «échecs du symbole» une meilleure acception litté­rale pour les connaisseurs et les joueurs actuels.

Un pion (fantassin) prêt à l'action dans la bataille.

L'échiquier du siang-k'i est divisé en 64 cases où sont disposées face à face deux armées, chacune de seize pièces. Chaque armée se compose de sept caté­gories de pièces : un général (tsiang ou chouai) [將 ou 帥], deux gardes (che) [士 ou 仕], deux éléphants, ou inten­dants, (siang) [象 ou 相], deux chars (kiu) [車 ou 俥], deux cavaliers (ma) [馬 ou 傌], deux artilleurs, ou canons, (pao) [包 ou 炮], et cinq fantassins, ou pions, (tsou ou ping) [卒 ou 兵]. Chaque pièce constituée d'un jeton porte son nom qu'un idéogramme gravé ou im­primé identifie. L'armée opposée use de caractères homophones et synonymes. Les pièces se déplacent sur les lignes d'intersection formées par les 64 cases de l'échiquier qui est traversé au centre par une bande supplémentaire vierge, la rivière Tch'ou [楚] coule entre les deux camps adverses. Chaque camp rap­pelle les fiefs de Tch'ou et de Han en lutte pour la suprématie du Céleste Empire qui aboutit à l'établissement de la dynastie de Han sur le trône impérial par Lieou Pang en 206 av. J.-C.

Le jeu du siang-k'i a eu sa place aux côtés de la calligraphie, la peinture et la musique comme l'un des arts majeurs en Chine. Au cours des siècles, de nom­breuses anecdotes, poésies et légendes ont manifesté la teneur symbolique des pièces et du jeu. Les grands thèmes com­prennent la confrontation entre les géné­raux à la tête d'une armée puissante, le duel terrible entre des chevaliers et des scènes touchantes entre les gardes cul­tivés et les courtisans fameux. Les joueurs d'échecs les ont toujours consi­dérés plus qu'un passe-temps. Les échecs sont aussi une stimulation de la réflexion et de la sagesse. Ils ont incité des générations de lettrés chinois à leur attribuer une signification philosophique, formulée par une prose classique, comme « la puissance repose dans la sou­mission », « la substantialité existe dans le néant» et « l'avancement peut se réa­liser par une opération de repli ». Cela peut paraître obscur à la première lec­ture, mais le contexte culturel l'éclaircit quand on songe à la explication classique du pouvoir et du mouvement du Tao [道], la positivité du blanc avec toutes les nuances que lui donne la peinture chi­noise ou l'évaluation perspicace d'un mouvement de repli militaire, comme l'a décrit Souen-tseu [孫子] dans son ou­vrage sur la guerre, rédigé pendant les Royaumes Combattants au Ve siècle avant l'ère chrétienne.

Nouveau style, nouvelles formes ...

A cause de ces notes culturelles, il n'est pas surprenant que le ton hardi et nouveau de l'expression des pièces ait reçu un accueil si favorable. Les visiteurs des différentes expositions de pièces aux formes nouvelles étaient ravis de ce changement. Les formes diverses étaient en fait fondées à la fois sur le motif tradi­tionnel du siang-k'i, qui comprend les grands événements et batailles rapportés dans l'histoire et la littérature, et le motif moderne associé aux tendances de l'architecture et des arts contemporains. Les trente jeux d'échecs de l'exposition pouvaient en gros se classer en trois caté­gories : la moderne, la folklorique et la traditionnelle.

M. Han Pao-teh [漢寶德] (pron. Hran Pao-te), architecte, a dessiné les pièces les plus abstraites et modernistes. La « série de cristal» rassemblait des pièces cylindriques en verre acrylique, ressemblant à des gratte-ciels en verre, sur lesquels est gravé le caractère tradi­tionnel identificateur de la pièce. La sim­plicité et l'élégance de ces pièces, le déli­cat jeu de lumière sur leur surface courbe translucide dénotent le goût propre des Han (Chinois) à l'utilisation de matériaux modernes pour remplacer les formes traditionnelles.

La guerre sur table a été transformée par un dessinateur, M. Cheng Wen [鄭問] (pron. Tcheng Wenn), avec ses pièces de la «guerre de l'espace». Utili­sant de petits cylindres en acrylique opaque, il a sculpté des formes humaines pour représenter les différentes pièces du jeu. Les visages ont des expressions futuristes, plus proches des guerriers de l'espace qui se seraient figés dans la cap­sule du temps et attendraient calmement d'être dégelés pour entrer en action.

Le sculpteur de renommée mon­diale, M. Ju Ming [朱銘] (pron. Tchou Ming), a utilisé le bois, son matériau pré­féré pour tailler des figurines du siang-k'i. Dans «Ce monde», son style irrégulier, mate et très abstrait dénote toujours l'es­prit de bataille des échecs en vue de la su­prématie de l'échiquier.

M. Yang Po-lin [楊柏林] (pron. Yang Po-linn), qui a une grande produc­tion artistique depuis l'âge de douze ans, a ajouté quelque humour à ces exposi­tions. Ses pièces, intitulées «Abaissons­ nous pour la conquête», ont quelque peu déplacé le sens belliqueux des parties d'échecs en abandonnant l'armée pour l'homme et la femme. Le côté féminin de la «bataille» est représentée par des nymphes aux courbes douces et sédui­santes, usant de tout leurs charmes pour attraper une position stratégique . En face d'elles, les pièces masculines dé­ploient la force et l'énergie avec leur muscles bombés et leurs postures agres­sives. N'est-ce pas «la puissance qui repose dans la soumission».

Une armée dans ses quartiers avant la prochaine bataille.

Certaines des œuvres les plus im­pressionnante de l'exposition provienn­nent d'artistes auparavant peu connus, la plupart d'entre eux issus de l'art fol­klorique. Une interprétation plus popu­laire des échecs communique un pouvoir matériel et réaliste aux pièces. Parmi les plus grandes séries, sont les figurines sculptées en bois d'une hauteur d'envi­ron . Elles ont retenu plus long-temps les visiteurs sur leurs détails. M. Wu Jung-szu [吳榮賜] (pron. Ou jong-seu) représenta les allures et les ar­mements communs aux soldats de la dy­nastie djourtchète Kin (1115-1234), dans le Nord de , qui ont sou­vent battu en brèche l'autorité des sou­verains nationaux de Song (960-1279). Les pièces non peintes, des généraux austères, des gardes pensifs et des man­darins (intendants) érudits et des chars et canons soigneusement reconstitués dénotent son art. Ces attitudes sont im­pressionnantes car assez disciplinées.

M. Wu Jung-szu a bien su en maîtriser la sculpture. Ses figurines ont le détail juste et suffisant sur le visage, les vêtements et dans le geste pour transcender leur personnage et leur fonction. Il s'arrête juste avant le réalisme photographique, se borne à suggérer au spectateur une ré­flexion profonde à partir de lignes et courbes tracées par ses ciseaux et son sa­blage délicat.

Une autre adaptation pleine d'hu­mour autour d'un thème traditionnel est la série de pièces d'échecs de Chen Chiu­-chi [陳秋吉]  (pron. Tchenn Tchyô-tchyi).

Les figurines du Voyage vers l'Occident attirent les regards des plus petits.

S'inspirant du vers du poète Ya Hien [瘂弦] (pron. Ya Chyenn), « La tempête dans une coupe de vin », chaque pièce res­semble à une coupe aux formes gra­cieuses. Comme les joueurs «lisent», à travers une coupe pleine mais claire, les caractères descriptifs, en style cursif, in­scrits à l'intérieur du récipient, ils peu­vent ressentir la peine que leur coûte la perte de chacune de ces pièces: en vider le contenu avant qu'on ne la retire de l'échiquier. Cela s'ajoute au plaisir du joueur - et à l'avantage de celui qui ra­masse les premières pièces. Le jeu de­vient alors un test d'habileté aux échecs et de capacité d'absorption de vin. Le perdant honnête devrait vider à cul sec les seize coupes de vin, laissant à l'adver­saire la joie de caresser une victoire pour la seconde manche.

Une série de pièces particulièrement intéressante, dessinée par le peintre Ou Hao-nien [歐豪年] (pron. Oô Hrao­-nienn), est confectionnée par l'artisan Chen Ching-liang [陳慶良] (pron. Tchenn Tchying-liang). Leur collaboration pour Le voyage vers l'Ouest, un grand roman classique chinois qui est fréquem­ment un thème pour d'autres formes lit­téraires, a «mis en scène» l'histoire sur l'échiquier. Les figures légendaires comme le mandarin, Tang San-tsang, le roi des singes, Souen Ou-k'ong, et le fidèle compagnon au visage porcin, Cha Ou-seng, ont pris place sur l'échiquier en tant que général, garde et intendant. Dans le camp opposé, ils sont opposés à leurs propres ressemblances. Et comme dans l'histoire, ils se battent en duel avec des êtres méchants qui ont pris leurs apparences pour les confondre dans la bataille.

Les thèmes historiques et littéraires traditionnels pour servir de modèle aux pièces d'échecs sont particulièrement po­pulaires chez les exposants. Mme Ko Yuan-hsing a mené une recherche ar­chéologique profonde sur le mode de vie, les costumes, l'armement et les vé­hicules de antique. Et elle créa trois styles de pièces, le « Fang Ping Ma Yung» [仿兵馬俑], qui s'inspire des ou­vrages de la dynastie de Ts'in (221-206 avant J.-C.), l'ancien « Soueï » de la dynastie éphémère de Soueï (581-618) et le « tricolore des Tang », qui reprend la méthode particulière de vernissage trico­lore qui a été développé sous la dynastie de Tang (618-907). Sa précision lui a permis de saisir tant la nature austère et tenace des anciens Chinois que les détails vivants de leurs costumes et équipements.

Des pions fort agressifs de l'époque des Trois Royaumes (IIIe siècle de l'ère chrétienne).

Dans une autre version historique, un spécialiste de fibre de verre Hsieh Yi-yu [謝以裕] (pron. Chyé I-yu) a créé un ensemble de pièces dans un mouve­ment arrêté: « La bataille du dragon et du tigre» qui rapporte de façon imagée la lutte de Tsao Tsao et Kong Ming à la fin de la dynastie de Han au début du IIIe siècle de notre ère. Un autre artisan, Tseng Chin-tsai [曾進財] (pron. Tseng Tchyinn-tsai), se servant de son expé­rience dans la sculpture de statures de temple dans les villages, a créé des figu­rines immenses dont la taille de plus de de hauteur ajoute à leur monu­mentalité. La représentation des traits fa­ciaux est particulièrement accusée, et, au profil, les pièces mêlent crainte et res­pect. Ce sont véritablement des pièces en champ de bataille.

Les enfants n'ont pas été oubliés. Les organisateurs de l'exposition eurent le plaisir de voir un grand nombre de jeunes se presser autour des objets exposés. Le cartoonist Tsai Chih-chung [蔡志忠] (pron. Tsaï Tcheu-tchong), avec l'«escadron de Souen-tseu», le grand stratège chinois, donne par les expres­sions des pièces une allure quelque peu naïve à la scène de bataille. Cette version pour les plus petits peut faire réfléchir certains adultes sur l'absurdité de la guerre en soi. «Les animaux de Tchio- tchio» de Chan Su-chiao [詹素嬌] (pron. Tchann Sou-tchyao) ont une image beau­coup plus proche des personnages de dessins animés. Les pièces réellement en trois dimensions sont les animaux fa­voris et les chouchous des enfants. Les deux cartoonists ont ainsi réussi à inté­resser les jeunes et même à les initier aux échecs.

L'un des succès de cette exposition, selon M. Kao Hsin-chiang et son épouse, est la découverte de plusieurs ar­tistes mal connus loin du «clocher» de leur village natal. La plupart d'entre eux sont autodidactes et tirent leur inspira tion nourrie des légendes et folklores que leur ont appris leurs parents, leurs amis et les aînés de leur village. Bien qu'ils n'aient pas été instruits, au sens of­ficiel du terme, ils ont une longue expé­rience et une agressivité pour pouvoir exprimer une vision de la tradition chi­noise. Les circonstances difficiles n'ont pas du tout étouffé leur créativité.

Dans le style de l'époque des dynasties de Soueï et de T’ang (589-907).

Ainsi, Wu Jung-szu grandit comme un fils de la campagne et travailla comme maréchal-ferrant. Inspiré par un rêve où il se voyait tenir un ciseau, plutôt qu'un marteau, pour sculpter la statue de Kouan-yin, la déesse de ­séricorde, il se mit à étudier l'art.

Pour réaliser son rêve, il a même dormi dans les vieux temples délabrés et travaillé jour et nuit chez un marchand d'objets bouddhiques afin d'étudier les détails de l'art religieux. Pour approfondir ses études artistiques, il peina à saisir les pro­portions du corps humain chez un tail­leur et a acquis la conception de l'art mo­derne auprès d'un architecte connu.

Tseng Chin-tsai, en dehors de ses pièces monumentales, les «Dieux hu­mains», est maintenant à l'œuvre d'une grande série de neuf sculptures gigan­tesques, ainsi classées par catégorie: ser­ vice religieux, culture printanière, céré­monie nuptiale, ancienne demeure, bro­derie, funérailles, paradis, enfer et com­merce traditionnel. Voilà déjà quatre ans qu'il est sur le «service religieux». L'ap­préciation de Tseng Chin-tsai de ses propres œuvres concorde assez avec l'es­prit de M. Kao Hsin-chiang pour cette exposition. « Ma mission y est defamiliari­ser les jeunes avec le trésor de notre patri­moine culturel », dit-il.

Saisir les thèmes traditionnels et les traduire pour un public moderne est un grand défi dans le contexte de la moder­nisation rapide de Taïwan. Mais les défis artistiques fondamentaux ne sont pas dif­férents aujourd'hui de ce que les artistes et les artisans ont connu pendant des gé­nérations : quel en est le meilleur moyen de le relever pour une œuvre? Hsieh Yi-yu, créateur de la «Bataille du dragon et du tigre», s'est mis en quête d'un moyen artistique approprié avec des ma­tériaux variés et ses nombreuses expé­riences. Il a enfin trouvé que la céra­mique lui a apportait ce langage juste pour exprimer ce qu'il avait en tête. « Sans le moulage, la céramique peut saisir plus directement et plus réellement l'essence ou l'esprit des objets », dit Hsieh Yi-yu avec la calme confiance d'un artiste satis­faite de son œuvre.

Un ancien soldat contemplant un échiquier.

De tels commentaires et attitudes d'artistes auparavant insuffasamment connus du public ont donné raison aux efforts du couple Kao. « La découverte de ces artisans est absolument fantastique », dit M. Kao Hsin-chiang. Et un visiteur de le confirmer : « Ils sont une partie même de notre trésor culturel et méritent beaucoup de respects et une bonne rémuné­ration pour leurs œuvres. »

M. Kao Hsin-chiang entrevoit même une diversification plus large que ce simple thème d'exposition. Les mi­lieux commerciaux et industriels se plai­gnent souvent de trouver difficilement de bons dessinateurs et artistes pour la promotion de leurs produits. En fin de compte, ils ont dû faire appel à des spé­cialistes du Japon et des Etats-Unis et leur servir de hauts salaires. En fait, il y a beaucoup de bons dessinateurs et arti­sans dans le pays, mais ils sont justement fort peu connus des médias locaux et des milieux des affaires. Le pire, quelques­ uns n'ont même, à la surprise générale, aucune idée de la protection de leurs droits propres avec la signature d'un con­trat. Ils travaillent à bon marché comme de simples ouvriers à la reproduction de motifs ou thèmes selon les modèles nor­malisés de sociétés ou marques commer­ciales étrangères. Un événement comme cette exposition peut les aider à s'intro­duire dans différents secteurs et peut­-être à obtenir des emplois plus rémunérateurs.

A partir de l'idée originale d'encou­rager un jeu ancien chez les jeunes d'au­jourd'hui, l'exposition du siang-k'i a servi à révéler des talents artistiques créatifs, à connaître l'intégration de motifs traditionnels dans des styles fol­kloriques et modernes de l'art et à suggé­rer de nouvelles possibilités pour les des­sinateurs du pur terroir. Au-delà de cela, le plaisir des échecs et les traditions cul­turelles qui y sont associées sont mainte­nant plus accessibles à tous les stratèges du siang-k'i du monde.

 

De fines sculptures «miniaturisées» , de Wu Jung-szu.

Les promoteurs d'un mouvement culturel, Mme Ko Yuan-hsin et son époux, M. Kao Hsin-chiang.

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